Quand l’Église s’effondre, Petit itinéraire spirituel pour rester debout (malgré tout),

Jacques Benoit Rauscher
Editions du Cerf
Emmanuel Morucci
22 juillet 2024
Relecture :
Gilles Berrut
Ecclésiologie
Sociétal
Temps de lecture :
1
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Quand l’Église s’effondre, Petit itinéraire spirituel pour rester debout (malgré tout),

Jacques-Benoit Rauscher,

Editions du cerf, 2023

L’Église institution, organisation, s’effondre de multiples manières. Tout au moins elle semble ne plus tenir debout. Les scandales récents mettent au plus mal clercs et laïcs qui ont parfois honte de lui appartenir. Les célébrations sont désertées et la transmission de la foi est de plus en plus difficile. En cause des individus et des systèmes qui l’éclaboussent. A cela s’ajoute une sécularisation stratégique particulièrement prégnante.

Frère dominicain depuis 2010, Jacques-Benoît Rauscher est régent des études de la Province de France. Il enseigne la théologie morale à l'Université catholique de Lyon. Il est l’auteur, notamment, de Découvrez la Doctrine sociale de l'Eglise avant d'aller voter  et Des enseignants d’élite ? Sociologie des professeurs de classes préparatoires", aux Editions du Cerf. (https://dominicains.fr/precheur/jacques-benoit-rauscher/). Actuellement il est Régent des études de la Province Dominicaine de France.

« Dire que l’Église s’effondre ne signifie pas l’effondrement de l’Église avec un E, l’écroulement du Peuple de Dieu » insiste Jacques-Benoit Rauscher. Bâties et localisées, nous avons besoin de nos églises,  lieux pour célébrer, pour des communautés vivantes, pour faire vivre la foi. Celle-ci repose sur la confiance que nous mettons en ceux qui, à la suite, des apôtres nous la transmettent.

Par un regard pluridisciplinaire théologique, sociologique, anthropologique, historique et éthique, l’auteur nous invite à un cheminement à la suite de saint Dominique « ensemble et fraternellement ». L’historicité de notre fondateur et de l’Ordre des prêcheurs est convoquée.

Après avoir pleuré, construisons.

Itinéraire, l’ouvrage est aussi un manuel pour un changement. Comme le faisait Dominique, nous sommes, d’abord, invités à nous taire. Non pas pour nous laisser envahir par un silence qui conduirait vers une désespérance. Mais pour prendre acte du fait que rien ne sera plus jamais comme avant. Regarder les fondations et écouter pour comprendre. Une exhortation à oser rêver un avenir. Le passage obligé (pour tout dominicain) est l’étude assidue. Non pas à la manière des érudits qui accumulent des savoirs, mais comme des chercheurs de la Vérité qu’est le Christ.

Nous ne pouvons plus nous satisfaire de réponses toutes faites insiste le Frère Jacques-Benoit. L’étude, dit-il, c’est mettre des mots sur ce qui arrive. Elle permet, dit le sociologue et professeur de théologie morale, de s’arrêter pour réfléchir, d’écouter quelqu’un qui parle, de discuter avec d’autres et « d’enlever les couches de bandelettes trompeuses dont nous avons enveloppé le Christ avant de l’enterrer au fond de nous ». Car c’est bien le Christ qui est le coeur de notre Église. A contrario « Les constructions fragiles sont celles des hommes ».

Vivre notre mission

Plusieurs étapes sont proposées pour étayer notre réflexion. Chaque chapitre ouvre sur un questionnement, un prolongement de la réflexion et à la prière. À titre d’exemple, la troisième étape nous amène à « voir et à juger », à savoir nommer le péché. Traduction:  si l’on doit rebâtir, ne plus cacher la faute, ne pas l’adoucir par des « formules pseudo-spirituelles qui ont permis à des criminels de prospérer ». L’assertion est sévère et sans concession.

Agir est la quatrième étape. Envisager d’être vainqueur du mal par le bien. Pour rebâtir, se pencher sur des pratiques du passé est une obligation. Procéder à une vraie rupture pour comprendre le présent. Pourquoi l’Église n’a-t-elle pas voulu désigner le mal ? Dire avec clarté quels processus, quelles représentations théologiques ont engendré les horreurs et l’ampleur que l’on découvre. On doit le dire, dénoncer le mal, reconnaître des manquements, des silences coupables, des complaisances coupables est une étape indispensable à la reconstruction. Rauscher ne pose pas seulement la question. Il donne des pistes pour y arriver.

Il cite la deuxième lettre de Saint Paul aux Corinthiens et invite à imiter l’évêque Diègue  qui, avec Dominique, conseillait aux envoyés du pape richement vêtus de se dépouiller pour donner le bon exemple aux Albigeois qu’ils voulaient enseigner.

Avec Dominique il nous invite à sortir de la honte, d’agir pour que de telles situations ne se reproduisent pas, de revenir à notre identité de baptisés, à chérir la pluralité et à l’urgence d’une nouvelle manière de vivre en chrétien.

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