La collection patrimoniale des Sources Chrétiennes, publie deux textes emblématiques de la littérature cistercienne du XIIe siècle : la Lettre sur l’âme et la Lettre sur le canon de la messe. J’ai extrait de la recension ce qui concerne la lettre sur le canon de la messe.
L’auteur est Isaac de l’Étoile (vers 1100-1169). Né en Angleterre, il reçoit en France une formation théologique probablement à l’École de l’Abbaye de Saint-Victor, associant augustinisme et philosophie (Hugues de Saint-Victor) et à Chartres, associant platonisme latin et néo-pythagoricien (Bernard de Chartres et Guillaume de Conches). Puis, il devient Abbé de l’Abbaye Notre-Dame de l’Étoile à Poitiers. Après avoir été exilé pour sa défense courageuse de Thomas Becket, il fonde sur l’île de Ré le monastère des Chateliers dans une vie de grande pauvreté. D’après les études récentes, il serait ensuite retourné comme Abbé de l’Étoile jusqu’à la fin de sa vie. Sa réputation de théologien explique que ces deux lettres lui aient été demandées.
La Lettre sur le canon de la messe.
Ce texte, commandé par son évêque de Poitiers, vise à instruire les moines cisterciens des conséquences de la réforme grégorienne dans leur manière de dire le canon de la messe. Isaac fonde son enseignement sur les trois Autels du temple de Jérusalem (Exode chap. 25-27), repris par Saint-Paul dans la lettre aux Hébreux où il affirme que la tente de la rencontre est une « copie des réalités célestes » (He 8,5) : autel extérieur en bronze sur le parvis, autel en or dans la tente et le Saint des Saints. Prenant appui sur ce triptyque, il montre que le canon de la messe s’inscrit dans cet itinéraire d’élévation vers Dieu. Ainsi, par comparaison et image, il articule cet itinéraire a) Autel où l’on dépose les servitudes terrestres, mortification et passion, afin de se séparer du monde b) Autel de la liberté, de la résurrection qui vivifie et nous conjoint au Christ c) et Autel de la présence, de la glorification et de l’union à Dieu. Cette structure donne une assise au raisonnement et entraîne le lecteur dans cette quête de Salut, d’une manière très contemporaine, et avec la saveur d’un texte spirituel qui nous prend par la main. De nombreux passages nous éclairent, en imposant le désir de s’en souvenir. Par exemple, lorsque l’auteur rappelle que le pain et le vin sont difficiles à produire, ce qui signifie que nous les offrons, à partir de notre indigence, une autre manière d’immoler la vie sans Dieu, ou lorsqu’il affirme que toute l’action de l’Eucharistie nous unit au Christ qui est uni à Dieu, c’est pourquoi nous devenons dans ce sacrement un seul corps. À la lecture de ce texte court et dense, on regrette qu’il ne soit pas plus souvent proposé aux catéchumènes et simplement à tous ceux qui désirent vivre l’Eucharistie dans le mouvement des Écritures.
Chenu MD. Les philosophes du XIIe siècle. Coll. Etudes de philosophie médiévale. Librairie philosophique J Vrin, 1976, troisième édition, 2002, 412 p
https://www.vrin.fr/livre/9782711601356/la-theologie-au-xiie-siecle
Gilson E, L'Esprit de la philosophie médiévale, (1re éd. 1932), Paris, Vrin, 1989, 402 p.
Le Goff, Les intellectuels au Moyen Age, Paris, 1957
de Lubac, Exégèse médiévale, quatre volumes, Paris, 1959/1964.
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