Le livre de Vincent Michel est une invitation à écouter l’Évangile et à le vivre de l’intérieur. Chaque scène qui y est décrite pourrait être l’occasion de l’imaginer pour la vivre, afin d’en révéler toutes les correspondances entre Jésus, ses interlocuteurs et nous-mêmes.
"Pour toi, Corentin, je me suis fait spectateur, comme si j’y étais, comme si j’étais partie prenante. Ma façon de faire n’est pas fortuite : l’appel lancé par Jésus à ses disciples qui vont le suivre, c’est à moi qui le lance aujourd’hui". Tel est l’argument de l’auteur qui est le papet, comme on dit dans le Sud, de son petit-fils Corentin. Le livre se compose d’une trentaine de chapitres brefs qui donnent le rythme de cette lecture, dans un livre court de 200 pages.
L’auteur est un docteur en Histoire Economique et Sociale, ancien fonctionnaire territorial de la ville de Montpellier, puis du département de l’Hérault. Atteint d’une cécité de naissance, il a été président de la fédération des aveugles de France pendant de nombreuses années. Son premier livre « Croire sans voir » aux Éditions du Cerf est une œuvre à la fois biographique et de réflexion.
"Soudain, un tintement se fait entendre". C’est ainsi que l’auteur introduit la rencontre de Jésus et du lépreux. Son récit est fait de pudeur, de retenue. Le lépreux s’avance avec élan, ne touche pas Jésus, mais il tombe face contre terre. Il l’appelle Seigneur et non Rabbi, pour montrer sa confiance dans sa puissance qui lui fait demander de guérir, mais en ajoutant « si tu le veux ». Il met sa foi dans la liberté, la liberté de Dieu, que l’on a si souvent tendance à oublier, car nous l’enfermons parfois dans la mécanique de sa puissance qui est notre enfermement devant le pouvoir. Le Fils bien-aimé du Père choisit de prendre soin. Pour guérir, Jésus prend le risque de prendre soin de l’humanité. Ce passage tissé de simplicité avec un langage simple et clair, nous plonge dans le mystère de la guérison qui est faite de liberté, de puissance et de soins (p 38-41).
À l’occasion du récit de la visite à Capharnaüm, l’auteur s’interroge, pour son petit-fils, sur une définition du péché : Le péché n’est pas une simple erreur de calcul, dans le péché il y a surtout l’idée de blessure de l’autre, blessure de soi-même, « trou d’amour » vis-à-vis de l’autre et de soi (p 44).
Ailleurs il rappelle la parole « Nul ne peut servir deux maîtres », « vous ne pouvez servir Dieu et l’argent ». L’auteur commente : "même si je ne suis pas riche, car je n’ai rien à voir avec les grandes fortunes dont on nous parle, croire que je ne suis pas concerné par cette parole serait une erreur. Jésus me demande de m’interroger aussi sur ce qui fait priorité dans ma vie ». Est-ce le souci de mon frère ou celui de préserver farouchement mon petit pécule ? Voilà qui nous surprend encore en évoquant notre inquiétude du lendemain. En d’autres termes, Jésus place au cœur de notre réflexion sur l'argent, le sens que nous souhaitons donner à notre vie (p 75).
Le chapitre sur l’aveugle né a une couleur particulière par le témoignage de l’auteur. Il précise que jusqu’à l’apparition de l’écriture de Louis braille, les aveugles étaient réduits à la mendicité. L’accusation, par les Pharisiens, de l’aveugle né après sa guérison dans l'Evangile de Jean, montre qu'ils considèrent que la guérison ne serait pas due à DIEU, puisque c’est Jésus qui agit. Ce dialogue qui a la couleur des débats des pays de la Méditerranée, est rapporté avec cette saveur. Il conclut que cette histoire est celle de l’impossible rencontre entre les fils de lumière et les forces de ténèbres, le refus de la guérison par les pharisiens, montre cette guerre déclarée entre lumière et ténèbres, qui conduira jusqu'au supplice de la Croix.
De courts chapitres se suivent sur le pardon, le partage, Zachée, la samaritaine, les femmes, la prière, le triomphe, le jour de colère …
Sans concession sur le monde et sa capacité à être dans les ténèbres qui inondent les informations chaque jour sur nos écrans et parfois nos vies, Jésus Christ, nous indique une voie faite à la fois de proximité dans notre quotidien et d’Espérance dans l’Esprit. Avec un langage clair et des mots simples, l’auteur nous conduit dans sa pensée ruminante qui s’apparente en fait, à la prière continuelle (Lc18,1) à laquelle nous invite Le Christ.
Même si les récits sont faits de description, d’images et obligatoirement d’imagination, nous ne sommes pas dans une démarche telle que celle de Maria Valtorta, par exemple. L’auteur se prête à l’écriture de ces esquisses pour synthétiser et chercher le mot juste. Ceci permet un texte clair, court, enlevé, fait de manière alerte, comme les pas rapides de celui qui marche sur un sable brûlant. On pense évidemment à ce grand mystique et pédagogue du 17e, aveugle lui aussi, et de Marseille, François Malaval (1627-1719), un laïc dominicain. Lui aussi était de grande culture aussi bien de sciences naturelles que de sciences humaines et son aura intellectuelle sur son siècle était tel que la reine Christine de Suède était venue le consulter pour avoir son avis de sagesse. On trouve chez Michel Vincent, une sorte de sympathie avec Malaval, comme on le dit des cordes de luth. L’un comme l’autre nous emporte dans une pensée à la fois construite, raisonnée et nourrie d’imagination et de sensibilité. Le parrainage par les frères Jean-Michel Maldamé et Hervé Ponsot, tous deux dominicains, en conforte la référence.
Je vous souhaite de découvrir ce livre, et de l’offrir à ceux qui sont en chemin dans la foi.
Croire sans voir
https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/18952/croire-sans-voir
La belle ténèbre. Pratique facile pour élever l'âme à la contemplation. Edition Jérome Millon
https://www.millon.fr/livres/251-religion-atopia-malaval-francois-la-belle-tenebre.html