L’ouvrage de Céline Guillaume jette un regard incisif sur notre monde et notre société. Pour se faire, elle pose les questions sociétales qui taraudent notre temps en croisant deux regards entre le code d’honneur du légionnaire et les Lettres de saint Paul.
Comme beaucoup, j’ai rencontré saint Paul par ses écrits (ou Épîtres) adressés aux communautés, qu’il honorait de sa prédication et de l’avoir étudié, mais, par contraste, je dois avouer ne connaître que peu de choses, sinon par l’actualité ou l’histoire, de ce régiment d’élites dénommé « Légion Étrangère ». J’ai toutefois cru remarquer que le défilé de ces soldats lors du défilé du 14 juillet, au pas lent et cadencé, est en soi porteur de symboles.
Céline Guillaume, directrice du groupe de librairies La Procure, laïque dominicaine, est autrice de plusieurs livres tels que « Dieu est Passé par là » (Ed. Le Cerf, 2022) et Chercher la femme (Ed. Le Cerf, 2023).
« Mener le bon combat » est un hymne à l’engagement et une invitation à discerner ce que sont les combats : idées, politique, sociétal, éthique, physique. Sont-ils les bons ? Interroge l’autrice. Elle propose une itération, un aller-retour permanent, comme tirer des deux bouts d’une corde, d’un côté la force, le physique et les armes de l’autre la parole paulinienne, la spiritualité et l’invitation à la prière.
Nous avons en tête l’Église, corps du Christ. Saint Paul en est un constructeur. Il développe l’idée que chacun est membre de ce corps : « Or vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part vous etes membres de ce corps » (1 Cor, 12-27). Analogie avec le corps d’armée qui diffuse l’idée chez le militaire de faire partie de la famille de légionnaires ; tout comme le baptisé fait partie de la grande famille des chrétiens. Pour le Chrétien c’est fort de sens, pour le légionnaire également.
Le légionnaire souffre et ce fut le cas pour saint Paul. Pour l’un comme pour l’autre, la mission doit être accomplie malgré, nous dit Céline Guillaume, les persécutions, les lapidations et la prison. Saint Paul était fort de persévérance, ne voulant laisser personne derrière lui. Ce message d’altérité s’adresse in fine à chacun d’entre nous.
Les maîtres mots : vérité, liberté, engagement, égalité, fraternité, dignité parcours cet ouvrage tels des objectifs sur une carte. La liberté, nous dit l’autrice, est le moteur de l’engagement. C’est aussi le début du Code d’honneur du Légionnaire. C’est l’appel au chrétien dans la vie personnelle et publique. J’y entends un « N’ayez pas peur ».
On ne côtoie la vérité qu’en s’engageant librement. C’est aussi la question que pose saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : « ne suis-je pas libre ? … libre à l’égard de tous (1 Cor 9, 1-19). C’est là qu’est la liberté pour marquer la force de l’engagement. Cet engagement peut prendre la forme, non pas au sens commun, de l’acceptation et de l’abandon. Cela me remet à l’esprit la prière de Charles de Foucauld « Mon Père, je m’abandonne à toi ».
De fait, il est pertinent de relier les enseignements de Jésus à ceux de Paul concernant la vérité et la liberté. « La vérité vous rendra libre » (Jn 8, 32). Il souligne l'importance de la vérité en Christ pour la libération spirituelle et la transformation personnelle. Paul enseigne que la foi en Jésus et l'adhésion à sa parole permettent de se libérer du péché et de vivre en pleine liberté.
Dans notre société la question de la liberté est centrale. Non pas celle qui maintient dans l’ignorance mais celle qui permet le libre arbitre. L’autrice nous ramène à notre actualité, aux débats nationaux qui sont les nôtres (loi sur la fin de vie par exemple) en s’appuyant, de fait et à la fois, sur la parole paulinienne et sur le code d’honneur. Ne pas troubler les esprits, ne pas endormir la conscience, ne pas vendre la mort comme un bien. Cela resonne. Paul comme le légionnaire se battent pour exprimer fortement que le mal de la mort n’est pas un bien. Il y a clairement dans cet ouvrage une dimension éthique qui ouvre à la réflexion et qui travaille la dignité de la personne. La vie est faite de dilemmes pourrait-on dire à la suite de la lecture de ce livre. Ce qui amène une question : n’est-il pas plus facile de choisir le mal que le bien ? Le combat commence par nous-même rappelle l’autrice.
Le deuxième chapitre traite de la fraternité. Frères d’arme pour le légionnaire, frère en Christ écrit saint Paul qui, dans sa deuxième lettre à Timothée commence par évoquer « mon enfant bien aimé ». Nous sommes tous enfants bien aimés. Rappelant ainsi une seule loi, celle de l’Amour et de la Charité. Quelle approche similaire entre ces textes évangéliques et celui qu’exprime le code d’honneur du légionnaire.
Puis an chapitre suivant, Céline Guillaume attachée au triptyque républicain, traite de l’égalité. Pour le légionnaire, le fait de ne pas recevoir le même traitement que les autres est signe d’injustice. Tous sont et se veulent égaux. Cela amène à la parole de Paul parlant du corps ecclésial : chaque membre à un rôle et est, donc, même dans la différence des charismes, est égal à l’autre, dans sa proximité au Christ, appréhendé dans un ensemble, sans quoi, le corps comme entité collective, ne fonctionne pas. Cette égalité ouvre la porte de la fraternité « qu’as-tu fais de ton frère ? » Une fraternité qui se transmets et qui marque l’attachement à la tête de l’Église pour le croyant et à son chef pour le légionnaire.
Ainsi, Céline Guillaume nous incite à regarder le monde tel qu’il est au travers des deux prismes et à penser la société à partir du message évangélique : Saint Paul, ses lettres, son engagement à la suite du Christ, son enseignement, d’une part ; et, d’autre part, le légionnaire dans son respect du code d’honneur comme aux membres du corps militaire invitent. Ce livre d’écriture fluide, peut nous aider à garder l’esprit ouvert sur notre manière d’aborder notre devenir personnel et collectif. Il s’agit de mener le bon combat.
En guise de conclusion, je fais mienne cette citation : « Alors, à l’école de la vérité et de l’humilité, le regard pur, le sourire franc et le cœur joyeux, ensemble rendons grâce et changeons le monde ».