La géographie de l'amour

Marie Grand
Editions du Cerf
Gilles Berrut
2 aout 2024
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Écritures
Philosophie
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Géographie de l'amour :

Une autre histoire du Bon Samaritain

Marie Grand
Editions du Cerf, 2024, 133 p.

Le Bon Samaritain est l'étranger en proximité, devenant ainsi le protagoniste d'une parabole sur la charité. La Samarie et la Judée tracent un territoire qui invite à interroger une géographie de l'amour, titre de ce livre passionnant et bien écrit. Son auteure, Marie Grand, puise dans ses connaissances et son savoir en philosophie pour nous mener à travers les différents paysages du territoire de la charité. Loin de la « Carte du Tendre » en vogue au Grand Siècle, elle pose un regard décalé par rapport aux conclusions usuelles qui insistent sur la question : « Qui est mon prochain ? ».

D'emblée, l'auteure s'interroge sur le regard des grands artistes tels que Rembrandt, qui mettent au cœur de la scène non pas l’homme blessé à terre, mais le Bon Samaritain et l'aubergiste, et autour d’eux ceux qui s'affairent : faire descendre le blessé de cheval, tenir le cheval par les rênes ou puiser l'eau pour panser les blessures. La parabole nous impose de "rouvrir des questions trop vite fermées" (p. 25).

Le prochain, je ne le connais pas. C'est quiconque est capable d'attention et de soins, affirme Paul Ricœur, car la Torah rappelle : « Vous et l'étranger, vous serez égaux devant l’Éternel » (Nb 15,15) (p. 44). Il devient alors nécessaire de se sentir solidaire de ceux qui ne nous ressemblent pas (François Dubet) (p. 48).

Il se dessine alors une cartographie de l'expression de l'amour : le Samaritain exprime de l'empathie pour l’homme blessé, mais si cette empathie est la source, elle ne résume pas l’ensemble de l’action de charité. D'autres territoires sont explorés : le Samaritain et l'aubergiste représentent la logistique de l'amour ; le personnel qui s'active selon son travail et sa compétence, autour de l'accueil, incarne la dimension collective de la charité, en quelque sorte la nécessité de l'institution. L'amour que nous aimons imaginer est une "improvisation imaginée hors système" (p. 66). Mais ce n’est pas ce que montre le récit. Loin du romantisme d’un élan d'amour qui fait le maximum, et parfois sans lendemain, l'auteure expose la rationalité et le savoir de l'acte de charité posé par le Samaritain.

Dans notre temps d'émotions, d'affectivités parfois désordonnées et d'actions courtes que donne à voir l'actualité-spectacle, ce livre nous invite à une nouvelle approche de cette parabole où la raison et l'empathie, mieux que la culpabilité et le sacrifice, sont les dynamiques de la charité selon l'Évangile.

Ce livre est très riche, et ces quelques mots ne résument pas l’ensemble des réflexions et des références auxquelles il fait appel. Sans être un livre pour la plage, l’été peut être propice à la lecture de cette réflexion d’une philosophie accessible.

De la même auteur : Notre nouvelle caverne TEDx par Marie Grand

Pour aller plus loin :

Duquoc, C. (2005). La parabole du Bon Samaritain: Lecture théologique. Desclée de Brouwer.

Yves Saoût, Le Bon Samaritain, Bayard, coll. « Évangiles », 2007, 197 p.

Falcone M, Un bon Samaritain, Gallimard, 2018, 272 p.

Abel O. La philosophie du proche. PUF, 2008.  file:///Users/gilles/Downloads/CITE_033_0109.pdf

Ricoeur P. Histoire et vérité. Le Seuil, 1964

Grelot, P. (2004). Paraboles évangéliques: Symbolisme et actualisation. Les Éditions du Cerf.

Cothenet, É. (2003). Les paraboles du Royaume: Lecture et interprétation. Bayard.

Sur l'Evangile de Luc

Boismard, M.-É. (1992). L’Évangile de Luc. Les Éditions du Cerf.

Meynet, R. (1988). L’Évangile de Luc. Analyse rhétorique. Les Éditions du Cerf.

Bovon, F. (1996). L’Évangile selon Saint Luc (1,1-9,50). Labor et Fides.

Légasse, S. (1993). L'Évangile de Luc. Commentaire biblique: Nouveau Testament. Les Éditions du Cerf.

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