Dilexit nos - Il nous a aimés
Encyclique du pape François
Sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus Christ
Éditions du Cerf, octobre 2024, 144 p.
La 4e encyclique du pape François, sur le cœur humain et divin de Jésus, est tout à la fois et spirituelle et missionnaire. Le Pape part de l’importance du cœur – qui sert à tout ce que vit la personne au plus profond de son être, unifiant son corps et son âme – pour s’attacher au cœur de Jésus, un cœur qui est l’expression de son amour pour nous.
Un texte d’un autre âge, expression d’une dévotion désuète, qui n’aurait plus rien à dire au monde d’aujourd’hui ? Non, au contraire, un texte terriblement d’actualité, qui renvoie à l’essentiel, la source d’eau et de sang qui coule du cœur de Jésus qui, dans son humanité et sa divinité, a tout donné par amour pour que le monde ait la vie.
L’Évangile et la vie du Christ, tels qu’en saint Jean ou en saint Matthieu (25), par exemple, sont au centre de cet appel à « reconstruire le bien et le beau » dans ce monde « liquide », déshumanisé, qui a perdu son centre, un monde « sans cœur ». Les préoccupations sociales du Pape, sont présentes tout au long du texte, avec la conviction que la transformation du monde, qu’il appelle de ses vœux, ne peut se faire que par la rencontre, du croyant et de la communauté ecclésiale, avec l’amour gratuit du Christ. Le Pape souligne sur ce plan le lien entre la dévotion personnelle et la responsabilité communautaire. Celles-ci sont aussi essentielles face aux dérives internes à l’Église, comme l’a été, au XVIIe siècle, le renouveau de cette dévotion au Sacré Cœur à la suite de sainte Marguerite Marie Alacoque, face au jansénisme, par exemple.
François, parallèlement, insiste sur l’importance de la piété populaire, tout en récusant les excès de la vénération des images ou à ceux du dolorisme.
Les références bibliques, aux Pères de l’Église, à l’enseignement de ses prédécesseurs et à de grands spirituels tel François de Sales, Thérèse de l’Enfant Jésus, Charles de Foucauld et bien d’autres, de culture française, espagnole ou latino-américaine, viennent renforcer l’affirmation qu’il ne s’agit pas d’une dévotion privée – issue de quelques révélations mystiques auxquelles nul n’est obligé de croire, insiste-t-il – mais d’une dévotion qui s’enracine, en tout temps et en tout lieu, dans l’amour vécu du Christ mort et ressuscité. Cette dévotion s’adresse au Christ tout entier, à travers son cœur, divin, mais aussi humain dans sa dimension physique, sensible et spirituelle. Elle s’adresse à la totalité de la personne en Christ, sans isoler le cœur, comme une certaine imagerie peut le faire, mais en le mettant « au cœur de… ». Il s’agit de l’intériorité de l’homme dans une méditation sur l’amour humain au cœur de tout lien social.
Le texte est très riche et impossible à évoquer dans toute ces aspects en quelques lignes. Retenons deux idées, que le Pape développe, celle de consolation, en référence à sainte Thérèse et celle de réparation. Réparation dans le cœur de Jésus, pour reconstruire, sur tant de ruines, une civilisation de l’amour, en collaborant au cœur du Christ, avec cette seule prière nécessaire, « J’ai confiance en toi ».
S’appuyant sur saint Paul et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, le pape François rappelle aussi qu’il n’y a rien à ajouter à l’unique sacrifice rédempteur du Christ, seul médiateur, sauf qu’il a voulu avoir besoin de notre liberté, pour répandre sa tendresse infinie en nous et, par nous, vers les autres. C’est le Christ lui-même qui prolonge, à travers nous, les effets de son amour, pour « rendre le monde amoureux » : « Amour pour amour » dans la foi au mystère de la Passion et de la Rédemption qui transcende toutes les distances du temps et de l’espace. Le Christ est mort pour nous, aujourd’hui. Nous devons le consoler, aujourd’hui, unis dans ses blessures et dans la consolation. Nous en sortons « consolés pour consoler » à notre tour. Le cœur de Jésus dans les histoires personnelles et collectives, dans notre histoire aujourd’hui, est le plus grand mystère de la manière dont s’exprime l’amour de Dieu. Là est le sens de toute dévotion authentique au cœur de Jésus, un cœur façonné par l’Esprit, qui conduit au Père, et envoie vers les frères.
Catherine Masson,