L'auteur offre une interprétation inédite de l'œuvre du maître italien du Quattrocento en l'abordant sous l’angle de la culture visuelle médiévale. Cette perspective novatrice renouvelle en profondeur notre perception de l’art de Piero della Francesca, puisqu’elle le réinscrit dans l’héritage médiéval au lieu de le cantonner au rôle de précurseur de la Renaissance.
L’auteur, spécialiste reconnu de la liturgie médiévale, avance une thèse centrale : on ne peut pleinement appréhender l’art de Piero della Francesca qu’en le replaçant dans le cadre de la théologie sacramentelle et de la liturgie médiévale. Palazzo met ainsi en évidence la manière dont la formation intellectuelle et artistique de Piero s’enracine dans une riche tradition théologique et liturgique, influençant sa conception de l’espace pictural et sa représentation du sacré.
Le livre s’organise autour d’analyses approfondies de plusieurs œuvres phares du peintre dominicain, telles que la Résurrection de Sansepolcro ou encore le cycle de fresques d’Arezzo. À chaque étude, Palazzo met en lumière les liens étroits entre la composition picturale, les pratiques liturgiques et la conception médiévale de l’image sacrée. Il montre notamment que la géométrie caractéristique de Piero, loin d’être simplement l’expression d’un rationalisme mathématique, s’intègre dans une vision théologique de l’espace héritée du Moyen Âge.
L’une des contributions majeures de l’ouvrage se trouve dans l’examen de la relation entre l’autel, pivot de la liturgie chrétienne, et l’espace pictural chez Piero. Palazzo met en relief la façon dont l’artiste façonne ses compositions en correspondance directe avec l’espace liturgique, créant ainsi des œuvres conçues comme de véritables prolongements visuels du mystère eucharistique. Cette approche jette un éclairage nouveau sur l’usage singulier que fait Piero de la perspective : elle ne se borne pas à rationaliser l’espace, mais œuvre à instaurer une continuité réelle entre l’espace concret de la liturgie et l’espace figuré de la peinture.
Pour étayer son propos, l’auteur mobilise une érudition impressionnante : textes liturgiques médiévaux, traités théologiques et sources contemporaines de Piero se succèdent, permettant de reconstituer avec force le milieu intellectuel et spirituel dans lequel a émergé l’art du peintre italien. À travers une analyse subtile, Palazzo met en relief des significations et des connexions qui étaient jusqu’alors passées inaperçues.
Cet ouvrage apporte également un éclairage nouveau sur la question de la transition entre le Moyen Âge et la Renaissance. En démontrant comment Piero della Francesca, tout en reprenant la pensée médiévale, contribue à la faire évoluer, Palazzo remet en question l’idée d’une coupure nette entre les deux époques. Il suggère au contraire l’existence d’une continuité profonde dans la manière de concevoir et de représenter le sacré.
Certes, certains passages traitant de liturgie médiévale peuvent paraître un peu ardus pour le lecteur non spécialiste. Toutefois, l’exposé clair et l’argumentation solide rendent le livre accessible à un public averti. De plus, la présence d’illustrations nombreuses, judicieusement choisies et détaillées, facilite grandement la compréhension de la démonstration.
En définitive, De l’autel à la peinture s’impose comme une contribution majeure à la connaissance de l’art de Piero della Francesca et, plus largement, à l’étude des rapports entre l’art et la liturgie à la fin du Moyen Âge. En proposant une lecture qui conjugue harmonieusement aspects formels et dimensions spirituelles, Palazzo ouvre de nouvelles perspectives pour l’analyse de l’art de la première Renaissance. Son approche, alliant rigueur méthodologique et sensibilité à la dimension sacrée, offre un modèle précieux pour d’autres recherches portant sur les artistes de cette période charnière.
Enfin, il est évident que quiconque s’intéresse à Piero della Francesca ou à la relation complexe entre art et liturgie dans l’Italie du XVe siècle trouvera dans cet ouvrage une référence incontournable. Celui-ci démontre la pertinence d’une démarche intégrant à la fois le contexte théologique et de la portée liturgique de l’art de la Renaissance, tout en ouvrant d’intéressantes voies d’exploration pour l’histoire de l’art.