Comment évangéliser ? Pour ceux qui aimeraient mais ne savent pas.

Raphaël de Bouillé
Editions du Cerf
Catherine Masson
13 octobre 2024
Relecture :
Gilles Berrut
Essai
Temps de lecture :
1
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Comment évangéliser ? Pour ceux qui aimeraient mais ne savent pas.

Raphaël de Bouillé

Éditions du Cerf, 2024, 132 p.

Je ne sais si la bière est utile, voire nécessaire, à l’évangélisation, mais le bouchon qui saute et le côté pétillant, sur fond de couleur d’espérance, du livre du fr. Raphaël de Bouillé (o.p.) invite à s’y laisser entraîner, « coacher », par celui dont c’est le ministère. Car, oui, « Malheur à moi si je n’évangélise pas (1 Co 9, 16), écrivait saint Paul. Mais la tâche paraît souvent bien ardue, à moins que nous ne soyons retenus par notre timidité. Alors, les quelques conseils, pratiques et très pédagogiques de l’auteur, qui s’appuie sur son expérience personnelle, peuvent être très utiles.

Il renvoie d’abord le lecteur au cœur du message à annoncer, le kérygme, que chacun reçoit au moment de son baptême, comme un APPEL que lance le Christ, pour qu’il le transmette à tous ceux qu’il rencontre. Mais comment ?

Il s’agit d’abord d’explorer l’Évangile « son sens et sa fécondité » pour tous ceux qui sont sauvés par l’amour du Christ. L’auteur décode rapidement le sens du mot « Évangile », qui se densifie au fur et à mesure de l’histoire du salut, pour annoncer que Dieu règne et que cela change la vie. Dieu règne en passant par la croix. Il a vaincu radicalement le mal afin que chacun entre dans la vie nouvelle, « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1, 16). Tel est le kérygme, c’est-à-dire ce qui est à « proclamer ».

Les chrétiens, surtout les catholiques, croient que tout peut être évangélisé, c’est-à-dire compris et transformé dans la perspective du salut que le Christ a inauguré sur terre. C’est juste, dit le fr. Raphaël, à condition de ne pas perdre de vue l’acte originel de cette évangélisation, l’annonce de la mort et de la résurrection du Christ. Là est la première annonce, le kérygme lui-même, tel que proclamé par Pierre le jour de la Pentecôte et reçu comme un appel à la conversion.

Il est vrai que beaucoup s’interrogent, rappelle l’auteur, sur la nécessité pour Dieu de passer par la mort sur la croix. Mais en se référant à saint Augustin et saint Thomas, il développe la fécondité de cette mort autour des cinq fruits les plus importants, à connaître en évangélisation et qui forment l’acronyme, APPEL : Amour, Puissance, Promesse, Église, Liberté. L’auteur les approfondit à partir de sa lecture de la Parole, de l’expérience de quelques saints et de la sienne propre :

- Amour de Dieu qui va toujours au-delà de ce que nous pouvons imaginer et de notre capacité à y répondre.

- Puissance de Dieu, pour nous, dès ici-bas, qui nous permet de prendre des risques parce que Dieu accomplit toujours du nouveau dans nos vies.

- Promesses de Dieu en qui nous devons avoir confiance et qui portent du fruit dans nos vies… Il a tenu celle de ressusciter son fils.

- Église, qui a reçu mission de transmettre cet enseignement et qui appelle aussi, quelles que soient les difficultés, notre confiance.

- Liberté qui est celle du Christ, souverainement libre vis-à-vis de Dieu et des hommes, qui nous introduit à une liberté intérieure nouvelle pour aimer toujours davantage.

Le 2ème partie du livre ouvre quelques pistes concrètes en suivant le diacre Philippe évangélisant l’eunuque de la reine Candace, selon le récit de saint Luc (Ac 8, 26-39) :

- Entrer en relation… dans la liberté réciproque, sans prosélytisme, en discernant les « feux rouge, orange, vert » qui nous sont adressés dans un dialogue respectueux et exigeant à la fois.

- Prier avant, pendant et après, disponibles à l’Esprit qui envoie, accompagne, encourage ; s’ajuster à Dieu et à l’autre en se souvenant que seul le Christ sauve.

- Écouter jusqu’au « deuxième silence », c’est-à-dire jusqu’à ce que la personne entende qu’elle a été écoutée, ce silence qui ouvre à ce que Dieu veut donner.

- Accueillir ce salut que par Jésus mort et ressuscité, Dieu veut donner à chacun en particulier, salut que nous avons nous-mêmes expérimenté et dont nous avons à rendre grâce et à témoigner (de façon Accessible, Brève et centrée sur le Christ : ABC du témoignage), et, quelles que soient les objections qui peuvent être formulées.

- Proposer un acte de foi, adapté, qui exprime la foi en Jésus ressuscité (baptême de l’eunuque par le diacre Philippe).

- La suite du chemin est l’affaire entre le Christ et la personne rencontrée, invitée à découvrir un autre lieu d’Église, où elle pourra grandir.

L’évangélisation est coopération à l’œuvre de Dieu. Si elle se vit dans la rencontre personnelle, elle trouve sa place en Église, communauté évangélisatrice pour tous les hommes appelés à être unis dans le corps mystique du Christ. L’auteur qui a fait le choix de présenter l’évangélisation de façon individuelle rappelle en conclusion cette dimension ecclésiale essentielle.

Il est vrai que l’approche individuelle qui, dans les situations décrites, fait beaucoup appel à l’accompagnement spirituel, et même à la confession, pour lesquels le lecteur laïc peut ne pas se sentir concerné, peut gêner à certains moments de la lecture. Mais peut-être alerte-t-il, justement, au-delà des engagements apostoliques, en paroisse, mouvement, etc. sur la nécessité d’être attentif à la rencontre personnelle, dans le quotidien de la vie là où chacun peut être amené à rendre compte de l’espérance qui est en lui.

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