Dans un livre appartenant à une littérature de spiritualité, le frère Camille de Belloy nous fait revisiter ce qu'est l'Eucharistie, en scrutant l'expérience du frère Charles de Foucauld.
Dominicain, enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lyon, Camille de Belloy est aussi prédicateur, notamment à la messe télévisée du Jour du Seigneur. Il est l'actuel prieur du couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon. Il est l'auteur de « Je crois et je parlerai », toujours aux éditions du Cerf (2021, 120 p.), et de « Dieu comme soi-même. Connaissance de soi et connaissance de Dieu selon Thomas d'Aquin : l'herméneutique d'Ambroise Gardeil » aux éditions Vrin en 2014.
L'auteur nous entraîne dans un chemin de méditation sur l'Eucharistie. Il s'appuie, pour son livre, sur des révélations que saint Charles de Foucauld aurait reçues de Jésus en 1898, lors de sa retraite à Nazareth. Charles de Foucauld percevra « les trois dons infinis » que Jésus nous fait dans l'Eucharistie.
Ces trois dons infinis sont tout d'abord la conscience de la présence de Jésus adoré dans le tabernacle, l'union à Jésus dans la communion à son corps ; ces deux dons éclairent le sens de l'Eucharistie comme une assimilation au sacrifice d'amour que le Christ offre à son Père pour le Salut des hommes.
Le Christ nous fait le don de sa présence dans l'Eucharistie, non pas pour que nous soyons impressionnés ou apeurés, mais pour que nous soyons heureux. Charles de Foucauld est attentif à ce que Jésus dit dans l'Évangile : « Et moi, je serai avec vous jusqu'à la fin des temps » (Mt 28,20). Ainsi, pour lui, si Jésus est avec nous, soyons avec Lui. Pour Charles de Foucauld, chaque messe est une célébration de Noël, au sens où sa présence réelle est de l’ordre de sa présence dans la crèche, car si nous savons reconnaître l'enfant de la crèche présent dans l'Eucharistie, dans le tabernacle, alors notre adoration n'aura plus rien de craintif, de servile, ni de trop cérémonieux ; elle deviendra familière et même familiale. À chaque âge du Christ, c'est la même présence, le même don infini qui nous est offert, et le même cœur à cœur qui nous est ouvert.
Le deuxième don de l'Eucharistie est l'union effective à Dieu qui est communion au corps du Christ. Le moment de la communion est appelé l'heure céleste et même « l'heure délirante ». C'est le centre et le sommet de notre journée (ou de notre semaine). Elle peut être précédée de « douze heures » habitées du désir, puis suivie de « douze heures » pleines d'une félicité tranquille, d'une attention amoureuse à l'hôte de notre âme. Charles de Foucauld n'a pas une conception individualiste de l'Eucharistie ; il a perçu comment ce cœur à cœur fait l'unité des chrétiens, l'unité de l'Église. En nous donnant son corps en nourriture, le Christ fait l'unité entre nous tous.
Pour le troisième don, l'auteur va au cœur de la foi de Charles de Foucauld, qui a éprouvé dans sa chair que l'heure de délice et l'heure de supplice étaient une seule et même heure, parce que c'est l'heure du plus grand Amour. Charles de Foucauld nous fait comprendre que l'union au Christ dans l'Eucharistie est l'union à son sacrifice d'amour sur la croix. L'auteur précise que c'est à ce moment qu'il faut situer la fameuse prière d'abandon de Charles de Foucauld. Nous sommes invités à nous unir au sacrifice du Christ et ainsi embrasser sa croix. L'auteur nous détaille comment saint Charles de Foucauld veut aimer. Pour lui, vouloir aimer sans sentir qu'on aime, c'est déjà aimer. C'est dépouiller cet amour de ce qui pourrait ressembler encore à une recherche de satisfaction personnelle ou de jouissance spirituelle centrée sur soi.
« Cœur à cœur, Vivre l'Eucharistie avec Charles de Foucauld » nous parle, à chaque page, de relation d'amour pour amour, de cœur à cœur, de sacrifice par amour, sans verser ni dans la lascivité ni dans le dolorisme. Il nous invite à une réponse radicale et libre fondée sur l'Évangile, qui prend actualité par la vie de Charles de Foucauld et peut-être aussi par l'expérience de l'auteur qui en parle si bien. Cette lecture méditée est une invitation à vivre la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique avec conscience, à notre juste place en lien avec tous les hommes, nos frères tous présents ou absents, unis et offerts à l'image du Christ. Livre de spiritualité qui ne développe pas un discours critique sur la théologie et Charles de Foucauld, mais plonge dans les intuitions de ce saint pour nous mener à une relation au « cœur à cœur ».
Voici la version originale et intégrale de la fameuse prière d’Abandon :
« Mon père, je remets mon esprit entre vos mains. »
C’est la dernière prière de notre Maître, de notre Bien-Aimé…
Puisse-t-elle être la nôtre…
Et qu’elle soit non seulement celle de notre dernier instant, mais celle de tous nos instants :
« Mon Père, je me remets entre Vos mains ;
Mon Père, je me confie à Vous ;
Mon Père, je m’abandonne à Vous ;
Mon Père, faites de moi ce qu’il Vous plaira ;
Quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie ;
Merci de tout ;
Je suis prêt à tout, j’accepte tout ;
Je Vous remercie de tout ;
pourvu que Votre Volonté se fasse en toute vos créatures,
En tous vos enfants, en tout ceux que Votre cœur aime,
Je ne désire rien d’autre, mon Dieu ;
je remets mon âme entre Vos mains ;
je Vous la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur,
Parce que je Vous aime,
et que se m’est un besoin d’amour, de me donner,
De me remettre en Vos mains sans mesure ;
Je me remets entre Vos mains, avec une infinie confiance,
Car vous êtes mon Père. »
Saint Charles de Foucauld
Bibliographie sommaire :
Ecrits spirituels. Charles de foucuald; Editions Blanche de Peuteray 2020, 306 p.
Membres d'un même corps. L’Eucharistie et l'Eglise. Isabelle de La garderie, Gérard Daucourt. Artèges Editions. 2022, 208 p.
Le Testament de Charles de Foucauld. Six JF, Serpette M, Sourisseau P. Editions Fayard, 2005, 296 p.